France
LES DEMANDEURS D’ASILE DISCRIMINES
EN RAISON DE LEUR NATIONALITE.
Les demandeurs d’asile sont des personnes qui demandent à la France une protection en raison des persécutions ou des menaces graves dont ils sont l’objet dans leur pays d’origine. Ces personnes ont été victimes de tortures, traitements inhumains cruels ou dégradants, ou risquent de l’être en cas de retour dans leur pays d’origine.
Un demandeur d’asile n’est pas en situation irrégulière.
En principe, la loi prévoit que les personnes qui adressent à la France une demande de protection, si elles ont réussi à atteindre le territoire français, se voient délivrer un titre de séjour provisoire, qui sera renouvelé jusqu’à ce que l’OFPRA ou la Cour nationale du droit d’asile (ex Commission des recours des réfugiés) ait statué sur leur demande.
En principe… car la réalité n’est pas si simple.
Les demandeurs d’asile de seconde zone
Il existe une exception, prévue par l’article L 741-4 2° du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui permet à la préfecture de refuser d’admettre au séjour les demandeurs d’asile, ressortissants d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr.
La préfecture peut ainsi refuser la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour aux personnes ressortissantes de l’Albanie, du Bénin, de la Bosnie-Herzégovine, du Cap-vert, de la Croatie, de la Géorgie, du Ghana, de l’Inde, de la Macédoine, de Madagascar, du Mali, de la République de Maurice, de la Mongolie, du Niger, du Sénégal, de la Tanzanie et de l’Ukraine.
Les ressortissants des pays d’origine dits sûrs sont privés de droit au séjour. Ils ne bénéficient d’aucun droit : ni logement, ni allocation, ni couverture maladie universelle…
Leur demande d’asile est, par ailleurs, classée en procédure dite prioritaire. Cela implique une procédure dérogatoire d’examen de la demande d’asile, plus rapide et privé de garanties essentielles. La personne dont la demande d’asile est classée en procédure prioritaire doit remettre sa demande d’asile sous pli fermé à la préfecture, qui se chargera de l’envoyer à l’OFPRA. Le demandeur d’asile est toléré sur le territoire français jusqu’à ce que l’OFPRA statue sur sa demande. L’Office doit donner une réponse dans un délai de 15 jours.
Si la réponse de l’OFPRA est négative, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile n’est pas suspensif. La personne peut alors être renvoyée vers son pays d’origine, même si son recours n’a pas été examiné.
Le Commissaire des Droits de l’Homme, Alvaro Gil Roblès a estimé dans son rapport du 15 février 2006 que « la procédure prioritaire est loin d’offrir les mêmes garanties que la demande d’asile de droit commun (…) elle ne laisse qu’une chance infime aux demandeurs. En effet, le recours qu’ils peuvent déposer devant la CRR n’est pas suspensif et ils peuvent donc être expulsés pendant la procédure (…) Il existe donc en France un système de demandes d’asile à deux vitesses.»
Des pays pas si sûrs…
La liste des 17 pays d’origine sûrs établie par le conseil d’administration de l’OFPRA est censée tenir compte du respect des principes de liberté, de démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Mais cette liste est fortement contestée par les acteurs qui travaillent avec les demandeurs d’asile. Dans son rapport, Alvaro Gil Roblès soulignait : « Cette liste, dans son principe, comme dans sa composition, soulève un certain nombre d’interrogations. Ainsi, je doute fortement que tous ces pays puissent être considérés comme des pays d’origine sûrs ».
D’ailleurs les chiffres parlent d’eux-mêmes : les taux d’annulation des décisions de l’OFPRA par la Cour nationale du droit d’asile étaient, en 2006, de 23,76 % pour les ressortissants bosniens et 17,63 % pour les géorgiens. Ces deux taux d’annulation sont très largement au-dessus du taux moyen d’annulation de la Cour nationale du droit d’asile qui est de 15,34 %.
Si la Géorgie et la Bosnie étaient vraiment des pays sûrs, respectueux des droits de l’Homme, pourquoi leurs ressortissants se verraient-ils reconnaître une quelconque protection, qui plus est à un taux supérieur à celui d’autres nationalités ?
Ces décisions sont annulées notamment en raison de la persistance de conflits internes déclarés ou larvés (Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Niger, Sénégal, Inde), de la proclamation de l'état d'urgence (Géorgie, Niger), de persécutions ou de menaces graves liées à l’appartenance à un groupe minoritaire (Macédoine, Bosnie, Géorgie) ou liées à des réseaux criminels, des crimes d'honneur ou des réseaux de traite humaine (Albanie, Géorgie, Ukraine) ou au maintien de la peine de mort (Mongolie, Tanzanie).
La liste ne tient pas compte non plus des persécutions spécifiques que subissent les femmes (risque d'excision, mariage imposé, viol, prostitution forcée) et que la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour nationale du droit d’asile a pourtant incluses dans le champ de l'asile et qui concernent des ressortissantes de ces pays (Albanie, Ghana, Inde, Mali, Sénégal, Ukraine).
La Coordination française pour le droit d’asile (qui rassemble de nombreuses associations de défense du droit d’asile et dont l’ACAT-France est membre actif) a toujours marqué son opposition de principe à cette notion de pays d’origine « sûrs » qui entraîne une discrimination dans le traitement applicable aux réfugiés selon leur nationalité ou leur origine géographique. L’introduction de cette liste dans la loi française en 2003 s’inscrivait davantage dans une politique de contrôle de flux migratoires que dans une logique de protection des réfugiés. Cette position a également été soutenue par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme dans son avis du 29 juin 2006.
Par une lettre adressée au Conseil d’administration de l’OFPRA, la Coordination française pour le droit d’asile a demandé la révision de la liste des pays d’origine sûrs. Le conseil d’administration de l’OFPRA s’est réuni le 24 janvier 2008, et la question de la révision de la liste des pays d’origine sûrs n’a pas été abordée. Le prochain conseil d’administration aura lieu au mois de mai 2008.
Demandons au Conseil d’Administration de l’OFPRA la convocation d’une réunion extraordinaire pour réviser la liste des pays d’origine dits sûrs.
M. Francis Girault
Président du Conseil d'administration
de l’OFPRA
201 rue Carnot
94136 Fontenay sous bois Cedex
Monsieur le Président,
Alerté (e) par l’ACAT-France, je suis très préoccupée par l’existence de la liste des pays d’origine sûrs, qui permet à la préfecture de refuser d’admettre au séjour les demandeurs d’asile ressortissants de l’un de ces pays.
L’ACAT-France est membre de la Coordination française du droit d’asile (CFDA) qui vous a adressé, le 18 janvier, une lettre demandant au Conseil d'administration de l'OFPRA de réviser la liste des pays d'origines sûrs.
Malheureusement cette question n’a pas été abordée au cours du dernier Conseil d’administration, qui s’est tenu le 24 janvier 2008. Pourtant, il est urgent de procéder à la révision de cette liste, pour deux raisons principales.
1) Beaucoup de ces pays ne répondent pas à la définition légale de la notion de pays d’origine sûr[1]. C’est le cas de la Bosnie-Herzégovine, de la Géorgie, du Niger, du Sénégal et de l’Inde où persistent des conflits internes déclarés ou larvés. L’Etat d’urgence a été déclaré Géorgie et au Niger. La République de Macédoine,(ARYM), la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie sont le théâtre de persécutions ou de menaces graves à l’encontre de certains groupes minoritaires ou liées à des réseaux criminels. Les crimes d'honneur ou les réseaux de traite humaine sont avérés en Albanie, en Géorgie ou en Ukraine. La Mongolie, le Niger et la Tanzanie maintiennent dans leur législation la peine de mort. Enfin, cette liste ne prend pas en compte les persécutions spécifiques aux femmes (risque d'excision, mariage imposé, viol, prostitution forcée).
2) Le placement des ressortissants des pays d’origine dits sûrs en procédure prioritaire est discriminatoire et contraire aux garanties qui s'attachent au droit d'asile
Les ressortissants de ces pays font massivement l'objet d'un refus de séjour par les préfets et l'OFPRA doit statuer sur leurs demandes dans un délai de quinze jours, ce qui apparaît particulièrement court pour des demandes souvent étayées.
Ces ressortissants ne bénéficient que du droit de se maintenir sur le territoire jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA. Le recours à la Cour nationale du droit d'asile ne suspend pas l'exécution d'une mesure d'éloignement, le rendant ineffectif.
Les ressortissants de ces pays sont exclus, par la loi, du bénéfice de l’allocation temporaire d'attente et de l'admission dans un CADA, ce qui est contraire à la directive européenne[2].
Pour ces raisons, je vous demande de convoquer d’urgence une réunion spéciale du conseil d’administration, afin de procéder à la révision de la liste des pays d’origine sûrs.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.
[1]Article L.741-4 2° du CESEDA et article 30 de la directive 205/85/CE, transposable avant le 1er décembre 2007 [2] Articles 3 et 13 de la directive 2003/9 CE relative aux normes minimales d'accueil des demandeurs d'asile